L'impact de la méthode d'entrainement sur l'apprentissage des odeurs et la généralisation chez le chien
- AC Détection Canine
- 15 juin
- 4 min de lecture
The Impact of Training Method on Odor Learning and Generalization in Dogs (Canis lupus familiaris)

Introduction
Les chiens de détection jouent un rôle de plus en plus important dans notre société, ce qui exige qu’ils soient à la fois fiables et précis. Si l’apprentissage de la détection n’est pas intrinsèquement difficile pour le chien, les véritables défis résident dans la complexité des odeurs à identifier et dans la diversité des environnements de travail.
Deux notions clés permettent de mieux comprendre les enjeux de cette étude :
Généralisation : il s’agit de la capacité du chien à reconnaître et réagir de manière cohérente à un stimulus, même lorsque celui-ci présente des variations.
Spécificité : cela correspond à la précision avec laquelle le chien distingue l’odeur cible des autres odeurs.
Une généralisation excessive peut entraîner une hausse des faux positifs, c’est-à-dire que le chien signale des odeurs qui ne sont pas les cibles recherchées. À l’inverse, une spécificité trop marquée risque d’augmenter le nombre de faux négatifs, le chien passant alors à côté d’odeurs cibles.
De ces concepts découlent trois principales méthodes d’entraînement :
L’entraînement séquentiel : le chien est d’abord exposé uniquement à une première odeur cible, une fois qu’il a atteint un succès satisfaisant, on lui présente une seconde odeur cible.
L’entraînement en mélange : le chien est confronté dès le départ à un mélange d’odeurs, incluant les deux odeurs cibles.
L’entraînement intermix : une méthode plus récente, largement étudiée en recherche mais encore peu répandue sur le terrain. Elle consiste à présenter au chien, au cours d’une même session, les différentes odeurs cibles, chacune individuellement.
L’objectif de cette étude est de comparer l’efficacité de ces trois méthodes d’entraînement afin d’optimiser les performances des chiens de détection.
Matériel & Méthode
Pour cette étude, 18 chiens de races diverses, âgés de 18 mois à 11 ans, ont été sélectionnés. Leur niveau d'expérience en détection variait, et cette diversité a été prise en compte lors de la répartition dans les différents groupes d'entraînement.
Les chiens ont été formés à détecter deux odeurs cibles, désignées A et B. Lors des phases de test, une nouvelle odeur non cible, appelée C, était introduite. En réalité, l’odeur C regroupait neuf odeurs non cibles différentes, choisies aléatoirement à chaque essai. Ainsi, six combinaisons d’odeurs étaient possibles lors des tests : A, B, AB, AC, BC et ABC.
Protocoles d’entraînement
Entraînement séquentiel : Les six chiens de ce groupe devaient d’abord atteindre une détection parfaite de l’odeur A avant de passer à l’odeur B (et inversement pour la moitié du groupe).
Entraînement mélangé : Les chiens étaient directement exposés à un mélange des odeurs A et B, placées ensemble dans un seul pot.
Entraînement intermix : Les chiens étaient confrontés aux odeurs A et B, chacune dans un pot distinct, mais au cours d’une même session.
Dans tous les cas, les odeurs étaient présentées sous forme de line-up de six pots. Lors des entraînements, un line-up de six pots était proposé à chaque chien : un pot contenait une odeur cible, les cinq autres contenaient des odeurs non cibles. Le maître lançait le chien puis se tenait en retrait, laissant l’animal libre d’inspecter les pots dans l’ordre de son choix. L’essai prenait fin dès que le chien donnait une indication (regard fixe, position couchée, toucher avec la patte, etc.) ou après deux minutes sans réponse.
Les entraînements s’étendaient sur trois jours, chaque chien étant confronté à au moins 12 line-ups différents. L’entraînement s’arrêtait dès qu’un chien réussissait six détections consécutives. Durant ses six dernières tentatives, le maître ignorait l’emplacement de l’odeur cible (procédure en simple aveugle).
Protocole de test
Les tests étaient organisés en rounds de six essais, chacun utilisant un pot avec l’une des six combinaisons d’odeurs, avec trois pots contenant des odeurs non cibles et deux pots vides. Les essais étaient réalisés en double aveugle : aucun humain présent ne connaissait la localisation de l’odeur cible. Afin de limiter la fatigue et les biais, chaque chien ne participait qu’à un seul round par jour. Les chercheurs comptabilisent le nombre de vrais positifs et de faux négatifs (aucune indication malgré la présence de l’odeur cible).
Résultats
Lorsqu’on analyse l’ensemble des combinaisons testées (A, B, AC, BC, ABC), la proportion de vrais positifs observée chez les chiens est nettement supérieure à celle attendue par simple hasard, ce qui confirme leur capacité à reconnaître une odeur préalablement apprise. Parmi les différents groupes, les chiens ayant bénéficié de l’entraînement de type Intermix se distinguent par de meilleurs résultats : ils affichent un taux de vrais positifs plus élevé et commettent moins de faux négatifs que les chiens des deux autres groupes. En revanche, aucune différence significative n’a été constatée entre les groupes ayant suivi un entraînement séquentiel ou mélangé.

Discussion
Quelle que soit la combinaison testée, le groupe entraîné selon la méthode “inter” obtient systématiquement de meilleurs résultats. Toutefois, pour la combinaison AB, le groupe « mélange » affiche également une performance élevée, ce qui est logique puisque cette configuration correspond à leur protocole d’entraînement, contrairement aux deux autres groupes qui ne l’ont pas appris de cette manière. En revanche, dès l’introduction d’une odeur distractive C, le groupe intermix reprend clairement l’avantage sur les autres.
Par ailleurs, l’expérience préalable des chiens avant l’étude n’a pas d’impact significatif sur les résultats, contrairement à ce qui a été observé dans d’autres recherches. Cela suggère que la formation dispensée avant les tests était suffisante pour homogénéiser les compétences des chiens.
De manière générale, la méthode d’entraînement influence profondément la manière dont le chien perçoit et apprend l’odeur cible, ce qui se traduit par des différences dans ses performances en détection. L’entraînement séquentiel tend à renforcer la spécificité envers une odeur cible unique, tandis que l’entraînement par mélange, qui associe plusieurs échantillons de l’odeur cible à des odeurs non cibles, augmente le risque que le chien développe une perception plus floue de l’odeur cible, ce qui peut nuire à ses performances lorsque les odeurs sont présentées séparément. L'entraînement “inter” permet quant à lui une généralisation plus rapide vers l’odeur cible.
Caldicott, L., Pike, T. W., Zulch, H. E., Ratcliffe, V. F., & Wilkinson, A. (2025). The impact of training method on odor learning and generalization in dogs (Canis lupus familiaris). Journal of Comparative Psychology, 139(1), 3–12. https://doi.org/10.1037/com0000390
Comentarios